Le Yin et le Yang

Le taoïsme est une réalité complexe devenant ultérieurement un courant religieux, associant une philosophie et un ensemble de pratiques liées à la quête de longue vie. Laozi, (VIème siècle-Vème siècle avant l’ère commune), que l’on considère comme le fondateur du taoïsme est l’auteur présumé du Daodejing (道德經). Zhuang Zhu (Zhuangzi) (IVème siècle AEC), auteur de l’ouvrage Zhuangzi (荘子) tao

Zhuangzi « Nan hua zhen jing » 莊子南華眞經 (commentaire de Guo Xiang 郭象). Le texte transmis par Guo Xiang a été réparti en trois groupes de chapitres, dont les derniers sont dans la mouvance des idées de Laozi, mais aussi des théories du yin et du yang et des Cinq Éléments (Mouvements)


produit une œuvre poétique de grande qualité qui développa en autres la notion du non-agir (wuwei 無為). Le troisième des trois grands classiques du taoïsme est le Liezi (列子) ou « vrai classique du vide parfait », recueil de fables philosophiques et d’aphorismes. Le taoïsme à ses débuts avait pour but la guérison des maladies et l’obtention de l’immortalité soit en ingérant minéraux, plantes, le tout accompagné de rituels et de prières, soit par un travail intérieur sur le corps et l’esprit, essentiellement à l’aide de la respiration et de la méditation [[2]]. Ainsi Zhuangzi, le premier parle de la quête de longue vie en ces termes : « Quiconque ne sait satisfaire ses aspirations et entretenir sa longévité ne comprend rien au Dao » ou « Conserver la vie jusqu’à la limite naturelle et tâcher de ne pas mourir prématurément. Voici la plénitude de la connaissance ».

On peut, on doit considérer l'illustre Leibnitz comme un des précurseurs de l'informatique. 1679 : Leibnitz découvre et met au point une arithmétique binaire (et analyse les octogrammes de Fou-Hi (Fuxi). Il invente aussi en 1694 une machine à calculer dérivée de la Pascaline mais capable de traiter les multiplications et divisions.


Leibnitz, le Yin et le Yang le zéro et le un

Le Yijing et Leibniz par Xavier "Shawei" Garnier

Leibniz

LEIBNITZ yin YangDiscours sur la théologie naturelle des Chinois
Le philosophe et scientifique allemand Leibniz (1646-1716) était le plus sinophile des penseurs de son temps. Il publie en 1716 son "Discours sur la théologie naturelle des Chinois". Il a ainsi entretenu de 1697 à 1703 une correspondance importante avec le jésuite français Joachim Bouvet (1656-1730) l'un des 5 "mathématiciens du Roi" envoyés en Chine par Louis XIV. Leibniz a établi, grâce à cet échange épistolaire, une analogie entre la structure des 64 hexagrammes du Yi-Jing et l'arithmétique binaire dont il est le fondateur. Il fait même référence à l'ancêtre légendaire des Chinois Fu Xi, supposé avoir conçu le Yi-Jing, dans son Explication de l’arithmétique binaire (1703) :

Ce qu’il y a de surprenant dans ce calcul, c’est que cette Arithmétique par 0 et 1 se trouve contenir le mystère des lignes d’un ancien Roi et Philosophe nommé Fohy (Fuxi), qu’on croit avoir vécu il y a plus de quatre mille ans et que les Chinois regardent comme le Fondateur de leur Empire et de leurs sciences.

Il y a plusieurs figures linéaires qu’on lui attribue, elles reviennent toutes à cette Arithmétique ; mais il suffit de mettre ici la Figure de huit Cova comme on l’appelle, qui passe pour fondamentale, et d’y joindre l’explication qui est manifeste, pourvu qu’on remarque premièrement qu’une ligne entière — signifie l’unité ou 1, et secondement qu’une ligne brisée - - signifie le zéro ou 0.


FU XI

D'après l'histoire chinoise, les divinités du ciel ont directement imparti la culture au peuple chiinois que Nu Wa a créé. Les plus connues de ces divinités sont Fu Xi et Shen Nong. Ils furent envoyés sur terre pour enseigner au peuple chinois les capacités et la connaissance nécessaires à la vie et pour approfondir sa conscience de la nature.
Dynastie Zhou (1121-722 avant notre ère)
FU XI FU XIFuxi traçant les trigrammes du Yijing.
yin yang
Le bagua (八卦) est un diagramme octogonal avec un trigramme différent sur chaque côté avec le taiji (symbole du yin-yang) au centre (graphique réalisé par Benoît Stella).

Le Yijing (易經, également orthographié Yi King ou Yi-King), prononcé en français i ting, est un manuel chinois dont le titre peut se traduire par « Classique des changements » ou « Livre des Transformations » selon les différentes traductions françaises.

Il s'agit à l'origine d’une collection de signes à usage divinatoire.

Les oracles étaient alors en usage dans l'antiquité.

Les plus anciens d'entre eux se limitaient à un système de réponses binaires sous la forme « oui » ou « non », soit un trait plein (yang), soit le trait brisé (yin). Ainsi, le Yijing est constitué de 64 hexagrammes, formé de deux trigrammes.

Il y a huit trigrammes simples (Figure Le bagua), qui assemblés deux à deux forment les soixante-quatre hexagrammes (figures basées sur la combinaison de six traits).


Leibniz va jusqu'à prétendre que grâce à son arithmétique, il a permis au Père Joachim Bouvet de faire redécouvrir aux Chinois de l'époque la clef de leur savoir ancestral, tel un Champollion de la Chine : " Les Chinois ont perdu la signification des Cova ou Linéations de Fohy, peut-être depuis plus d’un millénaire d’années, et ils ont fait des Commentaires là-dessus, où ils ont cherché je ne sais quels sens éloignés, de sorte qu’il a fallu que la vraie explication leur vint maintenant des Européens.

Voici comment : II n’y a guère plus de deux ans que j’envoyai au R. P. Bouvet, Jésuite français célèbre, qui demeure à Pékin, ma manière de compter par 0 et 1, et il n’en fallut pas davantage pour lui faire reconnaître que c’est la clef des figures de Fohy. Ainsi m’écrivant le 14 novembre 1701, il m’a envoyé la grande figure de ce Prince philosophe qui va à 64, et ne laisse plus lieu de douter de la vérité de notre interprétation, de sorte qu’on peut dire que ce Père a déchiffré l’énigme de Fohy, à l’aide de ce que je lui avais communiqué.

Et comme ces figures sont peut-être le plus ancien monument de science qui soit au monde, cette restitution de leur sens, après un si grand intervalle de temps, paraîtra d’autant plus curieuse.


Bouvet

JOACHIM BOUVET

Dans la lettre de J. Bouvet à Leibniz du 8 novembre 1700,
le jésuite affirme lui-même avoir percé le mystère du Yi-Jing :

Et parce que tous les commentaires, qui ont été faits depuis près de trois mille ans sur ce système par de très grands hommes, dont Confucius a été un des principaux, paraissent plus propres, pour en embrouiller et obscurcir davantage le véritable sens, que pour en développer le mistere, ayant laissé à part tous ces commentaires, et m'étant attaché uniquement à la figure, je l'ai considérée en tant de sens différens, qu'après avoir combiné et recombiné ce qui m'a paru de plus solide dans les principes des sciences Chinoises avec les principes les plus anciens de nos sciences, [...] je ne doute point que je n'en aye enfin découvert tout le mistere, ou du moins une route très sure et très aisée pour y arriver... (citée par François Jullien dans Figures de l'immanence)


Ainsi un double mouvement d'influence se dessine. D'un côté les " Lumières " occidentales du 18ième siècle éclairent le texte classique le plus ancien de la Chine, et de l'autre côté ce dernier donne un fondement universel au début de la logique moderne.

Il est donc aussi très curieux de constater que le système binaire de Leibniz, dont l'universalité est en quelque sorte validée par la science de l'antiquité chinoise, voit son application aujourd'hui dans le langage informatique.

Par Leibniz un lien mystérieux se tisse ainsi entre l'un des langages les plus anciens de l'humanité, celui du Yi-Jing et le langage le plus moderne, celui de l'informatique.

Comme l'analyse Aleksandar Nikolic dans un article présenté lors d'un séminaire à Belgrade en 1986, la cybernétique moderne concrétise le rêve de la langue universelle de Leibniz.

Notons d'ailleurs que le philosophe allemand a même considéré un temps que les idéogrammes chinois pouvaient constituer une langue universelle.

Il abandonnera finalement cette idée considérant que la langue avait été trop modifiée par les vicissitudes de l'histoire.

Mais plus mystérieux encore, l'analogie entre le dualisme du yin et du yang et le système binaire du 0 et du 1, ouvre sur une analogie plus étonnante, d'ordre métaphysique : D'après nous, la question de l'analogie entre les nombres du système binaire de Leibniz et les hexagrammes du Yi-King, pourtant plus souvent analysée, a cependant moins d'importance que celle de l'analogie spirituelle, philosophique et cosmologique entre les deux systèmes.

En effet à la source des deux systèmes se trouve la même aspiration éternelle à décrire la réalité entière à partir de l'origine, de la création du monde, jusqu'à la prédiction de l'avenir et des événements futurs.

Peut-être le travail de Leibniz sur l'Encyclopédie, somme de toutes les connaissances et sur une science et une langue universelles - "scienta generalis"- ayant comme moyen et outil de base les mathématiques - algèbre et logique - pourrait-il servir de preuve à cette idée.

Nous pensons que c'est un domaine qui peut encore être exploré. "(Aleksandar Nikolic, Leibniz et le système binaire)
Etienne Perrot dans sa préface au Yi-Jing de Richard Wilhem affirme que les 64 hexagrammes constituent " une image complète du monde ".

C'est probablement ce qui a séduit Leibniz. " On conçoit l'admiration de Leibnitz pour une telle épure. ", souligne E. Perrot.

Le philosophe allemand souhaite en effet relier sa métaphysique avec sa mathématique binaire. La création du monde est basée sur les symboles 0 et 1. Ces 2 symboles de base et les nombres expriment une harmonie parfaite et préétablie de l'univers.
Pour Leibniz, Dieu représenté par le 1, créé le monde à partir du néant, représenté par le 0.
Il voit donc dans la structure du Yi-Jing 2 symboles universels, le Yang et le Yin, qui forment l'ordre de l'univers.

Cependant Etiemble dans son livre " Connaissons-nous la Chine ?" conteste la vision idéale de Leibniz :
" Tout cela serait admirable si les Chinois avaient alors connu le zéro. Mais confirmant un article ancien de Pelliot dans le T'oung-pao de 1922, Joseph Needham écrivait récemment que la principale faiblesse de toutes ces spéculations de Leibniz, c'est que les devins du Yi-king étaient parfaitement étrangers à toute recherche ou inquiétude arithméticienne, comme l'a déjà prouvé Marcel Granet. "
On sait cependant que le sinologue anglais Needham avait peu de considération pour le Yi-Jing en affirmant que les Chinois "auraient mieux fait d'attacher une pierre autour du cou (de ce livre) et de le jeter à la mer".
Cela dit, qu'est-ce qui empêche d'associer le 0 au Yin et le 1 au Yang ?
L'important est de mettre en parallèle la binarité des systèmes de pensée du Yi-Jing et de Leibniz.

Car ce qui est véritablement surprenant, c'est de constater que Leibniz a non seulement établi des liens logiques entre Occident et Orient mais aussi entre les époques, reliant doublement les " Lumières " occidentales avec d'un côté l'antiquité chinoise et de l'autre côté le 11ème siècle chinois dont Anne Cheng dit que certains n'ont pas hésité à y voir "un équivalent de la renaissance européenne". (Histoire de la pensée chinoise, chapitre 17).

En effet, le philosophe de la dynastie des Song Shao Yong (1012-1077), présenté par Anne Cheng comme un "autodidacte porté sur la numérologie", privilégie la structure binaire dans sa conception du Yi-Jing :
" Une fois que le Faîte suprême se divise, les deux modèles se mettent en place. De l'interaction du Yang qui descend à la rencontre du Yin, et du Yin qui monte à la rencontre du Yang, naissent les quatre figures. Par leur interaction,le Yang et le Yin dinnent naissance aux quatre figures du Ciel. Par leur interaction, le ferme et le souple donnent naissance aux quatre emblèmes de la Terre. C'est ainsi qu'adviennent les huit trigrammes.
huit trigrammeshuit trigrammeshuit trigrammeshuit trigrammeshuit trigrammes

Les huit trigrammes se combinent entre eux, donnant naissance aux dix mille êtres.

Ainsi 1 se divise en 2, 2 en 4,4 en 8, 8 en 16, 16 en 32, 32 en 64. [...] 10 se démultiplie en 100, 100 en 1000, 1000 en 10 000, de même qu'une racine donne un tronc, le tronc donne des branches, les branches donnent des feuilles.

Plus les choses sont grandes, moins il y en a, plus elles sont ténues, plus il y en a. Réunissez-les et elles ne feront plus qu'un, dispersez-les et elles seront dix mille."


SHA YONG

SHAO YONG 邵雍

Cette dialectique entre Unité et Multiplicité ne se retrouve-t-elle pas dans la Monadologie de Leibniz ?
On y retrouve une image similaire empruntée à la nature :"
Chaque portion de la matière peut être conçue comme un jardin plein de plantes, et comme un Etang plein de poissons. Mais chaque membre de l'animal, chaque goutte de ses humeurs est encore un tel jardin ou un tel étang."
Les monades leibniziennes reflètent l'unité dans la multiplicité comme les dix mille êtres reflètent le Faîte suprême. Ainsi la compréhension du Yi-Jing par Shao Yong présente des similarités étonnantes avec la philosophie de Leibniz.
En fait c'est par l'intermédiaire du Père Bouvet que Leibniz fait le lien entre les hexagrammes du Yi-Jing et l'inscription binaire des nombres.
Nous avons vu que Leibniz mentionne la lettre du 14 novembre 1701 présentant la disposition des 64 hexagrammes en cercle et en carré que l'on attribue précisément à Shao Yong.


Suivant Alain Arrault (Les diagrammes de Shao Yong, qui les a vus ?) ce diagramme circulaire comprenant un diagramme carré aurait été perdu par les lettrés depuis Confucius et transmis de façon secrète entre alchimistes taoïstes, devins, médecins, magiciens et autre médiums jusqu'à ce que Shao Yong - héritier du taoïste Chen Tuan ( ? - 989) - le réutilise en l'attribuant à l'ancêtre Fuxi afin de marquer le caractère originel et authentique d'une image se comprenant immédiatement et naturellement sans recours à l'analyse philosophique, tel un mandala.


HEXAGRAMMES DE Fuxi

Les 64 hexagrammes de Fuxi

HEXAGRAMMES DE Fuxi
On consulte le Yijing à travers les trigrammes et hexagrammes (Figure ci-dessus) que l'on tire trait par trait. À chaque hexagramme ont été ajoutés ultérieurement des commentaires de Wen Wang, père du fondateur de la dynastie des Zou, vers 1150 AEC, ceux du duc Zhou Gong, frère du roi Wu et ceux de Confucius, donnant des indications sur la qualité de l'état concerné.

Ainsi, à l’hexagramme 50 (鼎) ding (le Chaudron) correspond le trigramme du haut li Le Feu et le trigramme du bas xun Le Vent. « L'ensemble de l'hexagramme offre l'image du chaudron ; en bas sont les pieds, puis la panse, puis les oreilles, c'est-à-dire les anses, et, tout en haut, les anneaux qui servent à le porter. L'image du chaudron évoque en même temps l'idée d'alimentation. Le chaudron en bronze était le récipient qui, dans les temples des ancêtres et lors des festins, contenait les aliments cuits. Le chef de famille les y puisait et les plaçait dans les coupes de ses hôtes. « Le puits » avait également le sens secondaire de distribution de la nourriture, mais surtout pour le peuple. Le chaudron, en tant que réalisation d'une civilisation raffinée, évoque les soins et l'alimentation prodigués aux hommes de valeur, qui tournent au bien du peuple


Peut-on en conclure que la vision cosmologique de Shao Yong basée sur le système binaire du Yi-Jing a, par l'intermédiaire du Père Bouvet, exercé indirectement une influence sur la philosophie de Leibniz dont la Monadologie est postérieure à la correspondance avec le Jésuite ?
il se pourrait donc qu’au contraire ce soient les diagrammes, transmis de façon secrète hors du cercle Dans son ouvrage sur le philosophe chinois, Shao Yong (1012-1077) poète et cosmologue, Alain Arrault n'hésite pas à affirmer dans sa conclusion :
" Les réflexions de Leibniz sur l'ordre des hexagrammes et leur conversion dans un calcul binaire, en relation avec ses préoccupations sur la mathesis universalis, s'inspirent des "Diagrammes carré et circulaire des 64 hexagrammes " attribués à Shao Yong. "


Alors que le jésuite français et le philosophe allemand se voyaient en décodeurs du mystère du Yi-Jing, Ce que l’on peut retenir en tout cas de cette incroyable correspondance entre le père Bouvet et Leibniz, c’est que les analogies logiques et cosmologiques entre le classique des changements et le fondateur de la logique moderne plaident pour une universalité de la pensée humaine traversant non seulement l'espace entre Occident et Orient mais aussi le temps entre antiquité et modernité.


Le Traité de Simplicité Originelle (d'après Shawei)

En mathématiques

Les Yin et Yang découlent d'une sorte d'instabilité primordiale, souvent appelée "l'androgyne primordial".
Un état qui n'est ni Yin ni Yang, mais qui peut devenir l'un ou l'autre.
Une telle approche suggère dés lors une possible dynamique ternaire.

Bien sûr en mathématiques nous avons le principe aristotélicien du "Tiers exclu" qui dit qu'une proposition est soit vraie soit fausse et qu'il n'existe pas d'autres possibilités!


Si A est vrai alors Non-A est obligatoirement faux.
Cette logique d'identité ou la logique du tiers-exclu, depuis Aristote, nous a guidés à bâtir les rationalités, à structurer le discours, à découvrir le vrai dans des catégories prédéterminées.

Elle est la base même de la mathématique qui jouit d'une réputation de la seule vraie science pour des vérités intemporelles



C'est ce principe du Tiers exclu qui est utilisé par exemple dans les démonstrations dites
"par l'absurde":
-On suppose une chose vraie
-On montre que cette hypothèse induit une contradiction
-Donc l a chose est fausse
Par exemple, on peut montrer par l'absurde que √2 (Racine carrée de 2) n'est pas rationnel
( i.e. n'est pas un nombre pouvant se représenter sous forme de fraction)
Raisonnons par l'absurde et supposons que
√2 est un nombre rationnel
si √2 est un nombre rationnel alors on peut écrire ce nombre sous la forme d'une Fraction
√2 = P/Q (il se peut que le Nombre P et le Nombre Q aient des diviseurs communs)
On réduit la fraction au maximum √2 = M/N
M et N n'ont pas de diviseurs en commun M et N sont donc premiers entre eux (le seul diviseur commun entre eux est 1)
Élevons au carré 2 = M² /N²
Où M² = 2 N² donc M² est un multiple de 2
On déduit M² est pair
Or, un nombre élevé au carré, garde sa parité M est pair et M = 2K
On revient à l'expression au carré M² = 4 K² = 2 N²
Ou N² = 2 K²
Même raisonnement avec N N est pair et N = 2 J
Alors M et N ont un facteur commun 2 est facteur commun à M et N
On tombe sur une contradiction:
M et N sont premiers entre eux (n'ont comme diviseur commun que 1)
et
M et N ont un diviseur commun qui est 2.
Donc l'hypothèse initiale que √2 peut s'écrire sous forme de fraction est Fausse
et par conséquent √2 n'est pas un nombre rationnel ,
il est donc un nombre irrationnel. (CQFD)

Les sciences humaines cherchent à décrire rigoureusement les phénomènes de la société humaine. Loin de constituer une théorie unique et unifiée, elles se construisent sous forme de controverses, même si, en Occident, elles se revendiquent d’une seule et même rationalité définie par la logique de l'identité ou la logique du tiers exclu, souvent en référence à Aristote.

Cette logique se trouve inscrite dans la langue même, grecque d’abord, puis latine, aujourd’hui française, germanique, anglosaxonne, etc. Elle induit une classification des entités objets selon des catégories : substance/phénomène, substrat/prédicat, sujet/objet, corps/âme, être/néant, cause/effet, etc. qui nécessite l’invention d’une dialectique capable de relier les contraires.

Les catégories du Même et de l’Autre organisent donc la pensée occidentale de part en part. La langue chinoise ne perçoit pas ces couples comme des contraires, mais plutôt comme complémentaires et sources de dynamique nouvelle. En effet, la description chinoise des phénomènes complexes de la société humaine recourt plutôt à la logique du tiers inclus pour clarifier ou classifier les situations. Or, cette logique a un paradoxe, qui est le zéro en mathématique. De plus, dans le contexte de la physique moderne - par exemple en thermodynamique ou en mécanique quantique -, avec cette logique du tiers-exclu, des difficultés apparaissent dans la compréhension de la nature de la matière.

Onde ou particule ?
Masse ou énergie ?
Ordre ou chaos ?


Les catégories prédéfinies sont remises en questions à l'instar du fameux chat mort et vivant de Schrödinger. L'autrichien Erwin Schrödinger (1887-1961) est l'un des pères de la physique quantique. C'est lui qui est l'inventeur de la "fonction d'onde" qui permet de connaître la concentration de l'onde électronique dans l'atome à tel ou tel endroit. Avec lui, l'électron n'est plus un corpuscule localisé précisément, mais une portion de paquet d'onde (l'orbitale électronique) où l'énergie est très concentrée. Mais Schrödinger deviendra surtout célèbre pour avoir imaginé en 1935 le paradoxe du chat afin d'illustrer l'absurdité de la physique quantique lorsqu'on l'applique à des objets complexes dits macroscopiques (à notre échelle).

Un pauvre chat est enfermé dans une boîte pourvue d'un hublot. Dans un coin de la boîte, un atome d'uranium radioactif et un détecteur conçu pour ne fonctionner qu'une minute (par exemple). Pendant cette minute, il y a 50% de chance pour que l'atome U se désintègre en éjectant un électron; lequel électron ira frapper le détecteur; lequel détecteur actionnera alors un marteau qui brisera une fiole de poison mortel placée dans la boîte du pauvre matou... Fermons la boîte, déclenchons l'expérience et demandons-nous AVANT de regarder par le hublot si le chat est vivant ou mort... Evident direz-vous, il a 50% de chance d'être vivant et autant d'être mort.

Eh bien figurez-vous que la physique quantique a un doute:
elle vous dira que le chat,
AVANT observation,
est vivant ET mort à la fois!

Absurde!
Et pourquoi!?


L'état (vivant ou mort) du chat ne dépend en fait que de l'état (émission d'un électron ou non) de l'atome d'Uranium. Or la physique quantique affirme que l'atome U est un être quantique auquel est applicable le principe de superposition: les particules atomiques peuvent exister dans plusieurs états superposés et simultanés.

La complexité des phénomènes exige alors une réponse plus nuancée, non dichotomique. Depuis l’avènement de la physique quantique ou l’intelligence artificielle, l'identification des objets entités fait recours à d'autres logiques, dites modernes logiques polyvalentes (Lukasiewicz et Post, vers 1920), et plus récemment des logiques floues,logiques intuitives,etc.




Principe du boulier

Présentation

Le plus souvent composé d'un cadre de bois, de tiges et de perles, ce système, encore utilisé de nos jours, n'a pratiquement pas évolué au cours des 5000 dernières années!

Sur chaque tige, il y a 1 groupe de 2 perles en haut (ici rouges) et 1 groupe de 5 perles en bas (ici vertes); Chaque perle rouge descendue vers la barre centrale représente la valeur 5 et chaque perle verte montée vers cette barre, la valeur 1. Les tiges désignent de droite à gauche, les unités, les dizaines, les centaines, les milliers...

Représentation d'un nombre

Représentation d'un nombre sur un boulier

Exemple : 2 948 531 =

(0); (0); (2); (5+4); (4); (5+3); (5+0); (3); (1);

Addition de deux nombres

Exemple : 2 948 531 + 2566 = ?

2 948 531 = 2 948 531

D'abord les unités: on ajoute 6 à 1, c'est à dire qu'on fait glisser une perle rouge et une verte.

2 948 537 = 2 948 537

Puis les dizaines: on ajoute 6 à 3 (glissement d'une perle rouge et une verte).

2 948 597 = 2 948 597

Les centaines: on ajoute 5 à 5, (glissement d'une perle rouge). Mais 5+5=10 donc on remonte les 2 perles rouges et l'on ajoute 1 sur la tige des milliers...

2 949 097 = 2 949 097 = 2 949 097

Les milliers: on ajoute 2 à 9 or 2+9=11 donc on remonte la perle rouge, on laisse 1 verte en haut et l'on ajoute 1 à la colonne suivante... (On constate que l'on peut remplacer les 5 perles vertes par une rouge)... Et voilà !

2 951 097 = 2 951 097 = 2 951 097




Tiers inclus et complexité (selon E. Morin)

La théorie de l’information permet selon Edgar Morin « d’entrer dans un univers où il y a à la fois de l’ordre (la redondance) et du désordre (le bruit) – et d’en extraire du nouveau, c’est-à-dire l’information elle-même, qui devient alors organisatrice (programmatrice) d’une machine cybernétique.

L’information qui indique, par exemple, le vainqueur d’une bataille, résout une incertitude ; celle qui annonce la mort subite d’un tyran apporte l’inattendu, en même temps que la nouveauté. »

De la cybernétique, Edgar Morin retient l’idée de rétroaction, introduite par Norbert Wiener, qui « rompt avec le principe de causalité linéaire en introduisant celui de boucle causale ».

Il explique que « la boucle de rétroaction (appelée feed-back) joue le rôle d’un mécanisme amplificateur, par exemple, dans la situation de la montée aux extrêmes d’un conflit armé.

La violence d’un protagoniste entraîne une réaction violente qui, à son tour, entraîne une réaction encore plus violente. De telles rétroactions, inflationnistes ou stabilisatrices, sont légion dans les phénomènes économiques, sociaux, politiques ou psychologiques. »

La théorie des systèmes jette selon Edgar Morin « les bases d’une pensée de l’organisation » et « la première leçon systémique est que "le tout est plus que la somme des parties" ».

Cela signifie explique-t-il « qu’il existe des qualités émergentes, c’est-à-dire qui naissent de l’organisation d’un tout, et qui peuvent rétroagir sur les parties ».

En outre, il note que « le tout est également moins que la somme des parties car les parties peuvent avoir des qualités qui sont inhibées par l’organisation de l’ensemble ».

Sur la base du concept d’ auto-organisation développé notamment par John von Neumann, Heinz von Foerster, Henri Atlan et Ilya Prigogine, Edgar Morin appelle l’auto-éco-organisation la capacité d’un système à être autonome et à interagir avec son environnement.

Par exemple, il remarque que « l’être vivant (…) est assez autonome pour puiser de l’énergie dans son environnement, et même d’en extraire des informations et d’en intégrer de l’organisation ».

Le principe dialogique explique Edgar Morin « unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l’un l’autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité ». Le phénomène de la dualité onde-corpuscule l’illustre selon lui.

Il cite Blaise Pascal qui dit : « Le contraire d’une vérité n’est pas l’erreur, mais une vérité contraire » ou encore Bohr : « Le contraire d’une vérité triviale est une erreur stupide, mais le contraire d’une vérité profonde est toujours une autre vérité profonde. »

Le problème est selon lui « d’unir des notions antagonistes pour penser les processus organisateurs et créateurs dans le monde complexe de la vie et de l’histoire humaine ».

Le principe de récursion organisationnelle va selon Edgar Morin « au-delà du principe de la rétroaction (feed-back) ; il dépasse la notion de régulation pour celle d’autoproduction et auto-organisation.

C’est une boucle génératrice dans laquelle les produits et les effets sont eux-mêmes producteurs et causateurs de ce qui les produit.

Ainsi, nous individus, sommes les produits d’un système de reproduction issu du fond des âges, mais ce système ne peut se reproduire que si nous-mêmes en devenons les producteurs en nous accouplant.

Les individus humains produisent la société dans et par leurs interactions, mais la société, en tant que tout émergeant, produit l’humanité de ces individus en leur apportant le langage et la culture. »

Le troisième principe « hologrammatique », explique-t-il enfin, « met en évidence cet apparent paradoxe de certains systèmes où non seulement la partie est dans le tout, mais le tout est dans la partie : la totalité du patrimoine génétique est présent dans chaque cellule individuelle.

De la même façon, l’individu est une partie de la société, mais la société est présente dans chaque individu en tant que tout, à travers son langage, sa culture, ses normes. »


Le tiers inclus

La logique classique est basée sur l’axiome d’identité (A est A), l’axiome de non contradiction (A n’est pas non-A) et l’axiome du tiers exclu (il n’existe pas un troisième terme qui est à la fois A et non-A).

Le tiers inclus est l’axiome dialogique (par exemple onde et corpuscule en physique quantique) rendu possible uniquement par l’existence de différents niveaux de réalité, dans la complexité.

Mais cette logique du tiers inclus n’abolit pas, selon Basarab Nicolescu, celle du tiers exclu :

« elle restreint seulement son domaine de validité à des situations simples, comme la circulation des voitures sur une autoroute : personne ne songe à introduire, sur une autoroute, un troisième sens par rapport au sens permis et au sens interdit.

En revanche, la logique du tiers exclu est nocive dans les cas complexes, comme le domaine social ou politique.

Elle agit dans ces cas comme une véritable logique d’exclusion : le bien ou le mal, la droite ou la gauche, les blancs ou les noirs, etc. »

Selon Edgar Morin le tiers inclus est une transgression logique nécessaire, inséparable du principe dialogique.

Cela veut dire que le même comporte en lui son propre antagonisme, sa propre multiplicité: "je suis moi et je ne suis pas moi".

Quand nous disons, par exemple: « je parle », le moi parle, comme sujet conscient. E

n même temps, il y a toute une machinerie qui fonctionne dans nos cerveaux et dans nos corps, ce dont nous sommes inconscient.
Il y a aussi à travers nous une culture qui parle, une « machine causante », un nous qui parle à travers cette machine. Il y a de l’anonyme, du ça qui parle.
Cela veut donc dire que le principe d’identité est, en fait, complexe. Il comporte de l’hétérogénéité et de la pluralité dans l’unité.
En ce sens, le principe du tiers inclus signifie que l’on peut être Même et Autre.
On échappe par là à toute alternative disjonctive. Grâce au principe du tiers inclus on peut considérer et relier des thèmes qui devraient apparemment s’exclure ou être antagonistes.

Le principe du tiers exclu de la logique classique constitue un puissant garde-fou.
Il ne faut l’abandonner que lorsque la complexité du problème rencontré ou/et la vérification empirique oblige(nt) à l’abandonner.
On ne peut abolir le tiers exclu; on doit l’infléchir en fonction de la complexité.
Disons en défi: le tiers doit être exclu ou inclus selon la simplicité ou la complexité rencontrées, et, là même où il y a complexité, selon l’examen segmentaire, fractionnel, analytique, ou selon la globalité de la formulation complexe. Le champ du tiers exclu vaut peut-être pour les cas simples.

Mais le dialogique est à l’œuvre partout où il y a complexité. Car le dialogique est précisément le tiers inclus.

" Le terme de dialogique veut dire que deux ou plusieurs logiques, deux principes sont unis sans que la dualité se perde dans cette unité ".

Ce concept a été forgé par Edgar Morin pour exprimer la fusion en une unité complexe (c'est-à-dire à la fois complémentaire, concurrente et antagoniste) de deux ou plusieurs logiques différentes, voire contraires.
Comme on le sait, le mot de dialogique n'a pas d'héritage philosophique, scientifique ou épistémologique connu.
Il apparaît dans la pensée d'Edgar Morin à la fois comme réponse à un défi - (le défi de la complexité du réel qui débusque nos logiques coutumières-aristotélicienne, cartésienne, etc.) - et nécessité d'une révolution de pensée, voire des mentalités

La dialogique intègre l'idée d'échange, de communication, fondamentales dans la dialectique, mais elle se démarque d'avec la dialectique là où cette dernière cherche la cohérence à travers l'éradication de la différence et l'exclusion de la diversité.
La dialectique a comme cheval de bataille les principes de la logique formelle (principes de non-contradiction, d'identité et de tiers exclu).
La dialogique repose justement sur la coopération, dans un même système, de logiques différentes, voire contradictoires.

Notons, enfin, que " Le mot de dialogique n'est pas un mot qui permet d'éviter les contraintes logiques et empiriques comme l'a été si souvent le mot dialectique. Ce n'est pas un mot passe-partout qui escamote toutes difficultés comme les dialecticiens l'ont fait pendant des années.Le principe dialogique est au contraire l'affrontement de la difficulté du combat avec le réel".

(E. Morin, Science avec conscience, Paris, Fayard, 1982, 2eme édition, 1990, pp 176-177 ).